Elise, le 1er bébé né d'une congélation d'ovocytes en france

Répondre
Avatar du membre
Admin

Administrateur du site
Messages : 413
Enregistré le : 31 janvier 2014
Mon centre de PMA : Non concernée
Localisation : Paris
Âge : 43

Elise, le 1er bébé né d'une congélation d'ovocytes en france

Message non lu par Admin »

A lire sur http://www.elle.fr/Societe/News/Elise-l ... ir-3031949

Céline a subi un traitement anticancer qui l’a rendue stérile. Mais avant la chimio, elle avait pu congeler ses ovocytes. Elle vient de donner naissance à Elise. Récit d’une belle première française.


Élise dort, recroquevillée contre sa mère, dans la douce chaleur de son décolleté. Née le 19 décembre 2015, elle se repose du grand voyage de sa naissance, sans avoir idée de l’espoir qu’elle représente pour des milliers de femmes. Élise est un petit miracle de 3,4 kilos. Sa maman, Céline, a traversé l’une des pires épreuves que l’on puisse connaître : un lymphome de Hodgkin, une forme de cancer disséminé dans tout le corps. Elle a subi une chimiothérapie, qui, à 30 ans, l’a privée de sa fertilité. Et pourtant, les voici, toutes les deux, tous les trois, avec son papa Nicolas, défiant la maladie. Élise est le premier bébé né en France grâce à la vitrification (technique de congélation ultra rapide) des ovocytes de sa mère avant un traitement anticancer stérilisant.

Jolie blonde, fonceuse et revendicative, Céline avait depuis longtemps le prénom d’Élise en tête. Cette scientifique rêvait de fonder une famille avec son amoureux, rencontré en classe prépa, dès qu’ils seraient « installés ». Revenus dans leur région d’origine, près de Carpentras, ils étaient prêts. Les murs de leur maison sont couverts de photos d’une vie pleine de promesses : leur mariage, en 2010, à la Baie des singes à Marseille, les fêtes avec les amis, les repas d’été en famille. Souvenirs de l’insouciance d’avant. Avant que Céline ne se réveille, un matin de décembre 2012, avec une boule de la taille d’un œuf à la base du cou. « J’avais du mal à respirer, mais je pensais que c’était dû à la fatigue », raconte-t-elle. Elle comprend que « ce n’est pas bon » quand on refuse de lui donner les résultats du scanner en l’absence du médecin : son corps est criblé de ganglions. Une biopsie entre Noël et le jour de l’An confirme le diagnostic de cancer du système lymphatique. Le cancer, Céline tente de l’apprivoiser depuis des années tant son histoire familiale est marquée par la maladie. « Je n’étais pas surprise d’en avoir un, mais d’en avoir un si jeune », confie-t-elle. Elle se rassure en se disant que c’est « le seul qui se soigne ».

« JE SUIS SORTIE AVEC LE SENTIMENT DE DEMANDER TROP »

Au premier rendez-vous avec une oncologue qui la presse de commencer la chimiothérapie, Céline pose la question qui la taraude : « J’ai cru comprendre que le traitement peut rendre stérile, y a-t-il une possibilité de préserver mes chances d’avoir un enfant ? » « Le médecin m’a répondu que ce n’était pas la priorité », explique la jeune femme. « Tu t’es mise à pleurer, enchaîne Nicolas, et l’oncologue n’a même pas eu un mot d’empathie. » « Je suis sortie avec le sentiment de demander trop, reprend Céline. On me faisait comprendre que, déjà si on me sauvait la vie, c’était bien. » Elle y repense souvent : « Et si je m’étais arrêtée là ? »

Elle sollicite un deuxième avis. Sa mère, elle-même traitée par chimiothérapie, prend rendez-vous pour Céline à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille. « L’oncologue qui nous a reçus a été mon premier rayon de soleil. Très vite, elle nous a parlé stérilité : “Vous êtes mariés ? Vous voulez des enfants ?” Et elle a appelé une gynécologue que nous avons vue trois jours plus tard. Enfin, on prenait notre demande en compte et on nous soulageait de démarches supplémentaires », raconte Céline. Avec son énergie à toute épreuve, Blandine Courbière, la gynécologue qui les accueille au centre d’assistance médicale à la procréation (AMP) de l’Hôpital de la Conception, à Marseille, sera leur « deuxième rayon de soleil ». Elle propose, en accord avec l’oncologue, de retarder la chimio et de commencer une stimulation ovarienne. Le but : ponctionner les ovocytes disponibles soit pour les vitrifier afin de réaliser une Fiv plus tard, soit pour les féconder et congeler les embryons (une pratique courante en AMP). Finalement, seuls quatre ovocytes matures sont prélevés, que le couple choisit de congeler. « Céline restait ainsi maîtresse de sa fertilité quoi qu’il puisse m’arriver, relate Nicolas, alors que les embryons ne peuvent être utilisés qu’avec l’accord des deux. »

RÉAGIR VITE

Céline et Nicolas ignorent alors qu’ils bénéficient d’un programme pilote de collaboration entre les spécialistes de la lutte contre le cancer et ceux de la fertilité. Une approche nouvelle menée par une équipe de femmes remarquables. En 2012, à l’initiative de l’onco-pneumologue Michèle Pibarot et de la gynécologue Blandine Courbière, une plateforme « Cancer et Fertilité » a été créée pour mettre en lien les équipes d’OncoPaca-Corse – le réseau régional de cancérologie – et celles des Cecos – les centres d’études et de conservations des œufs et du sperme – de Marseille et de Nice. Objectif : proposer à celles qui vont subir un traitement pouvant altérer leur fertilité de préserver leurs gamètes ou du tissu ovarien.

En région Paca et en Corse, 90 établissements autorisés à la prise en charge du cancer peuvent ainsi solliciter les Cecos. « En 2013, lorsque Céline est tombée malade, les oncologues étaient moins sensibilisés à la question, explique la pneumologue. Nous leur avons parlé de la vitrification, autorisée depuis 2011, nous avons mis en place des moyens d’échange d’information sur les patientes afin de réagir vite quand la chimio prévue est toxique pour les ovaires. » Cette plateforme inspire d’ores et déjà d’autres régions : Rhône-Alpes, Normandie, Île-de-France… « S’il y a urgence, nous pouvons recevoir les patientes le jour même », note Jackie Saias-Magnan, qui avec Jeanne Perrin, fait partie de l’équipe médicale qui a accueilli Céline.

Ne pas perdre de temps est la priorité. Il faut une douzaine de jours pour effectuer une stimulation ovarienne et une ponction. Or, il n’est pas toujours possible de retarder le début d’un traitement. « Nous nous entendons entre médecins pour être d’accord sur ce que nous pouvons proposer, détaille l’équipe. Dans tous les cas, l’oncologue prime. Si nous n’avons pas le temps de vitrifier les ovocytes ou si la réserve ovarienne est insuffisante, nous expliquons à la patiente les options dont elle disposera après, comme le don d’ovocytes. »

SE PROJETER DANS L'AVENIR

Cette écoute a un impact certain sur le moral des patientes. « La perspective d’être stérile est pour certaines pire que l’annonce du cancer, observe Blandine Courbière. Il arrive même qu’elles refusent le traitement à cause de cela. » « Parler de l’après-maladie les aide à se projeter dans l’avenir, car on évoque de manière implicite la guérison », ajoute Jackie Saias-Magnan, qui note qu’au seul Cecos de Marseille une soixantaine de patientes ont déjà choisi de vitrifier leurs ovocytes. Un grand pas aussi pour les 18-25 ans, frappés par le cancer avant même d’avoir eu le temps de se poser la question du désir d’enfant. La préservation des gamètes est même proposée aux plus jeunes, à partir de 12 ans pour les garçons, de la puberté pour les filles. Pour ces adolescentes aussi, la naissance d’Élise est une promesse d’avenir.

Sans cette perspective de maternité possible, Céline aurait sombré encore plus profond pendant ses quatre mois de chimio. Elle n’est pas du style à se plaindre. « Mon cancer n’était pas le plus grave de la famille », glisse-t-elle. Mais elle a souffert. Alitée tout du long, elle ne pouvait même pas ouvrir une bouteille d’eau seule. « J’étais complètement dépendante de mon mari, je ne sais pas comment j’aurais fait sans lui. » Au bout de deux mois, elle apprend que la rémission complète est en vue. Mais il faut attendre deux ans pour que l’oncologue donne son feu vert pour tenter une Fiv. En avril 2015, les quatre ovocytes sont sortis de leur cuve d’azote liquide, décongelés et fécondés. L’un des embryons ne se développe pas. Deux sont implantés dans son utérus. Le dernier est congelé pour une autre fois. « En début de grossesse, j’ai perdu un des embryons. Mais l’autre a tenu bon. » Un défi aux statistiques. On estime qu’il faut entre huit et quinze ovocytes pour s’assurer les meilleures chances de succès. « Céline avait très peu de chance, mais c’est la preuve que cela vaut le coup de tenter ! s’exclament les médecins de la Conception. Pour autant, la vitrification ne garantit pas d’avoir un bébé. Si on implante deux embryons issus d’ovocytes vitrifiés, les chances d’une naissance sont de l’ordre de 30 à 40 %. »

Élise est née trois ans jour pour jour après l’annonce du cancer de sa maman. Comme si elle voulait effacer ce triste souvenir. « Dans cette période très noire, savoir qu’on peut mettre la question du bébé de côté, pour se concentrer sur le combat contre la maladie, est essentiel », témoigne Céline à l’adresse de toutes celles qui découvrent qu’elles sont atteintes d’un cancer. Pour remercier l’équipe, elle a fait la route entre Carpentras et Marseille et leur a présenté l’adorable Élise. Moment de joie et de fierté pour ces bonnes fées penchées sur le berceau. « Je n’aurais pas cru assister à cela un jour », confie, émue, la pneumologue Michèle Pibarot.

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 5 février 2016
Une question sur la fiv,visitez Image